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La lettrie

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Lectures et dialogue des cultures


1ère page : Tropique du Cancer, Henry Miller

Publié par philippe sur 7 Janvier 2016, 10:26am

Catégories : #Début de Roman

1ère page : Tropique du Cancer, Henry Miller
Evidemment toutes les pages ne sont pas à mettre entre toutes les mains, et il y a des choses bien discutables. Mais il y a, comme chez Bukowski par exemple, des développements magnifiques sur l'écriture, sur la littérature, sur la vie de Bohème dans les années 30, ainsi que sur Paris. C'est, pour moi, un très grand livre.

J'habite Villa Borghèse. Il n'y a pas une miette de saleté nulle part, ni une chaise déplacée. Nous y sommes tout seuls, et nous sommes morts.
Hier soir, Boris a découvert qu'il avait des poux. J'ai dû lui raser les aisselles, et même alors la démangeaison ne s'est pas calmée. Comment peut-on attraper des poux dans un si bel endroit? Mais peu importe. Nous aurions pu ne jamais nous connaître de si intime façon, Boris et moi, n'eussent été les poux.

Boris vient juste de me donner un aperçu de ses vues. Il sait prédire le temps. Le temps continuera à être mauvais, dit-il. Il y aura encore des calamités, encore de la mort, encore du désespoir. Pas la plus légère indication de changement nulle part. Le cancer du temps nous dévore. Nos héros se sont tués, ou se tuent. Le héros, alors, n'est pas le Temps, mais l'Eternité. Nous devons nous mettre au pas, un pas d'hommes entravés, et marcher vers la prison de la mort. Pas d'évasion possible. Le temps est invariable.
C'est maintenant l'automne de ma seconde année à Paris. On m'y a envoyé pour une raison dont je n'ai jamais pu sonder la profondeur.

Je n'ai pas d'argent, pas de ressources, pas d'espérances. Je suis le plus heureux des hommes au monde. Il y a un an, il y a six mois, je pensais que j'étais un artiste. Je n'y pense plus, je suis ! Tout ce qui était littérature s'est détaché de moi. Plus de livres à écrire, Dieu merci !

Et celui-ci, alors ? Ce n'est pas un livre. C'est un libelle, c'est de la diffamation, de la calomnie. Ce n'est pas unlivre au sens ordinaire du mot. Non! C'est une insulte démesurée, un crachat à la face de l'Art, un coup de pied dans le cul à Dieu, à l'Homme, au Destin, au Temps, à la Beauté, à l'Amour ! .. à ce que vous voudrez. Je m'en vais chanter pour vous, chanter en détonnant un peu peut-être, mais chanter.

Henry Miller, Tropique du Cancer, 1934 (Denoël, 1945 pour la traduction française par Paul Rivert)
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Z
Quelle époque !!
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P
Un monde qui n'est plus le nôtre
Z
Cela explique ceci !
P
Oui, beaucoup de folie, à côté de la crise économique et de l'approche de la guerre !
M
Tu as décidé de m'obliger à relire mes classiques ! Si tu as aimé Henri Miller il faut lire aussi Antonin Artaud et puis aussi à tant qu'à faire Anaïs Nin car sais-tu que leur rencontre a été décisive pour Miller qui s'est en quelque sorte révélé à lui-même. Ce trio a partagé amour, érotisme et besoin de liberté absolu loin du puritanisme ambiant et ils l'ont payé très cher...mais ils nous ont laissé des chefs-d’œuvre.
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M
Bon alors j’attends ta prochaine chronique ! Quant à Anaïs Nin peut-être plaît-elle plus aux femmes...
P
Hahaha... justement regarde ma prochaine chronique... Pour A. Nin, je n'ai essayé qu'une fois, et je n'ai pas accroché plus que ça. Et Artaud, bien sûr Artaud ! Même quand il dit "toute la littérature est de la cochonnerie" !
M
Jamais lu ! Le début est porteur. À voir peut-être. Quant à Bukowsky, je n'y ai jamais trouvé de fulgurances littéraires.
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P
On peut ne pas aimer Miller, mais il a écrit des pages sublimes parfois. Et puis c'était une époque de grande folie.

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