Un difficile itinéraire
C’est l’histoire de Koumaïl, jeune garçon qui vit dans le Caucase, au carrefour de plusieurs pays en guerre, au début des années 90. Sa vie est rude. Il doit sans cesse fuir et vivre comme un réfugié. Il doit parfois travailler dans des conditions délétères et infernales (le nickel et les ampoules cassées). Il doit habiter, lorsqu’il a un toit, dans des lieux détruits, pourris, pollués. Ses amis sont assassinés (Abdelmalik) ou doivent fuir les rebelles, les milices (les jumelles, Fatima). Son décor n’est que ruine, comme à Soukhoumi (Géorgie ? Abkhazie ? On ne sait pas vraiment). Il ne connaît que misère, froid et séparation.
Le désespoir guette constamment ; Koumaïl croit d’ailleurs qu’il s’agit d’une maladie ou d’une bestiole comme les poux : il ne faut surtout pas « attraper un désespoir ». Pour l’aider, les rencontres, les amitiés, les amours, sont heureusement possibles mais souvent violentes et tragiques ; Fatima, belle jeune fille, qui ne veut plus ouvrir les yeux parce qu’elle a vu son père se faire assassiner, joue divinement du violon pour Koumaïl. Ou, dans l’un des plus beaux chapitres, les Tsiganes qui le recueillent à un moment où la mort rôde et qui voient bien, eux aussi, que son « âme est belle ».
Deux phares
Mais il y a deux phares dans l’existence de Koumaïl.
Gloria, d’abord, qui n’est pas sa mère mais qui l’élève et le remplit de bonheur.
Et puis un espoir, une autre vie possible : Koumaïl s’appelle en fait Blaise Fortune ; il est un enfant français rescapé d’un attentat ferroviaire, sauvé par Gloria de la carcasse du train. Et cette belle personne va tout faire pour que celui qu’elle considère comme son fils puisse regagner la France, avec son passeport amoché.
Les aventures pour atteindre le pays rêvé vont être dures. Une nouvelle séparation. Et le rebondissement final, à la fois beau et bouleversant.
Une écriture forte
L’écriture est simple, poétique, et tire doucement quelques larmichettes au lecteur, à la fin notamment. Anne Laure Bondoux écrit de très beaux livres, décrit des réalités violentes sans forcer le trait, sans pathos ni sombrer dans la mièvrerie. En évitant les longs exposés géopolitiques, elle réussit à initier son lecteur aux problèmes du Caucase et à lui faire découvrir de nouvelles contrées. J’ai pu la rencontrer au moment de la parution de ce roman, elle est une personne sympathique qui explique bien sa démarche et est à l’écoute des autres.
Le site web qu’elle a consacré à cette belle aventure est très intéressant.
Comme Koumaïl, un livre à adopter.
Anne Laure Bondoux, Le Temps des Miracles, Bayard, 2009 (réédité en poche, chez Bayard)